PANDÉMIE ET TROUBLES PSYCHOLOGIQUES

Avr 25, 2021

Dr M. JACQUES (Médecin régional de la FFRS, psychiatre) 23.04.2021

On voit fleurir depuis quelque temps des écrits et des discours au sujet des troubles psychologiques en période de COVID avec la classique trilogie : ANXIÉTÉ, DÉPRESSION, STRESS pimentée parfois de « burn-out » très mode, je devrais dire très « in ».

Il faut essayer de faire un tri car depuis environ un an nous sommes abreuvés d’informations diverses et plus ou moins contradictoires. Nous allons donc définir les termes que nous utilisons.

1°) L’ÉMOTIVITÉ est la réactivité aux stimulations extérieures ; elle a 2 composantes :

  • une composante psychologique : peur, crainte ;
  • une composante physique :
    • sur le mouvement (stupeur ou agitation, mimique…),
    • sur les organes du corps (cœur, respiration, digestion…).

L’anxiété est un sentiment d’insécurité, l’angoisse est une sensation de constriction. Souvent, on utilise indifféremment l’un ou l’autre mais il existe aussi des anxiétés « maladives » :

  • soit par excès (crise d’angoisse),
  • soit par défaut (schizophrénie).

À côté de l’anxiété ponctuelle (aiguë), peut exister une anxiété de fond (chronique).

L’anxiété peut se manifester sous de nombreuses formes :

  • phobies (exemple : peur disproportionnée : araignée, souris),
  • obsessions (exagération : « manie » de la propreté),
  • hypochondrie (malade imaginaire),
  • etc.

Un traitement psychothérapique et/ou médicamenteux peut être efficace.

L’activité physique peut être un appoint conséquent.

2°) L’AFFECTIVITÉ est la tonalité de l’humeur allant de la dépression à l’euphorie en passant par un état « moyen ». La dépression est un affaissement de l’humeur.

Pour parler dépression en médecine il faut un ensemble plus ou moins complet des troubles suivants :

  • une douleur psychologique avec pessimisme, désir de mort, sentiment négatif (inutilité, culpabilité, solitude…) ;
  • une diminution des centres d’intérêt (lecture, TV, sorties…) et une fatigue ;
  • des troubles physiques (sommeil, appétit, douleurs…) ;
  • des troubles de l’émotivité (anxiété, colère…) ;
  • parfois même des idées délirantes (idée fausse d’avoir un cancer, de ne rien valoir…).

Cette dépression peut être :

  • induite par certaines maladies (tuberculose, voir certains romantiques : écrivains, compositeurs…),
  • induite par de rares médicaments,
  • induite par un évènement choquant (décès d’un proche, découverte d’une maladie grave…),
  • spontanée, sur certains terrains psychologiquement fragiles.

Le diagnostic de dépression est porté quand les symptômes ont une certaine ancienneté. Le fait de pleurer un jour, son chat écrasé, ne constitue pas une dépression ! Un signe ne traduit pas à lui seul une dépression, exemple : les pleurs. En Italie on paie pour avoir des pleureuses lors d’un enterrement.

La dépression est à différencier d’autres troubles (spleen).

Un traitement psychothérapique et/ou médicamenteux est utile.

L’activité physique est d’un bon appoint : elle ne peut résumer le traitement d’une véritable dépression.

Cette activité peut se réaliser :

  • soit isolément, (par obligation sanitaire, parfois),
  • soit en groupe (avec le bonus du côté convivial qui rompt l’isolement social : cas des célibataires, de veuves, veufs). Nous avons vu plus haut que le facteur isolement favorise la dépression.

3°) Le STRESS, encore un terme mal utilisé,

La notion de stress a été définie par l’Austro-hongrois SELYIE, voilà plus de 70ans. Il s’agit des modalités de réaction du corps à une agression. C’est donc la conséquence et non la cause.

4°) Le BURN-OUT, encore un terme galvaudé,

Parmi les différentes formes de dépression que nous n’avons pas développées, suivant que l’on prenne comme critère : la sévérité, le terrain, le sexe, la durée, existe aussi l’âge de survenue ou le contexte. La psychologie et la psychiatrie européennes avaient déjà décrit la « dépression du chef d’entreprise », bien avant que les Américains ne parlent de « dépression du manager » ou « burn-out » cher aux pédants ou aux anglophiles. Donc, stricto sensu, on ne peut parler de « burn-out » pour un retraité.

Dans le contexte actuel, la découverte de troubles psychologiques alors qu’il y a pandémie n’a rien de bien original. On s’est polarisé en premier lieu, à juste titre, sur les problèmes physiques et on s’aperçoit qu’il y a aussi des troubles psychologiques.

Ces troubles peuvent être la conséquence directe d’une infection due au Coronavirus (qui, dans 30% des cas, voit l’apparition de troubles neurologiques et/ou psychologiques).

Ces troubles peuvent révéler une certaine fragilité, comme toute autre agression.

Ces troubles peuvent être créés, de nouveau.

 

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